Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/284

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que du mépris pour M Lovelace, s’il avait été capable d’une si basse intrigue, avec les vues qui l’amenent si près du château d’Harlove, et comme je n’ai pas laissé d’y trouver beaucoup de vraisemblance, l’éclaircissement, comme vous dites, engage ma générosité à proportion de mes craintes, et plus peut-être que je ne le devrais souhaiter. Vous me raillerez, ma chère, autant qu’il vous plaira ; mais je vous demande si cet événement ne produirait pas sur vous le même effet. Et puis le mérite réel de l’action… je vous proteste, ma véritable amie, que si depuis ce jour il voulait s’attacher au bien pour le reste de sa vie, je lui pardonnerais volontiers une bonne partie de ses erreurs passées, ne fut-ce qu’en faveur de la preuve que nous avons, qu’il est capable d’une si bonne et si généreuse espèce de sentimens. Vous vous imaginez bien qu’après avoir reçu votre seconde lettre, je n’ai pas fait scrupule d’ouvrir la sienne ? Et je n’en ferai pas non plus d’y répondre, parce que je n’y trouve aucun sujet de plainte. Il sera d’autant plus content de mes termes, que je crois lui devoir un peu de réparation pour l’injuste idée que j’ai eue de lui, quoiqu’il n’en ait pas la moindre connaissance. Je me trouve assez heureuse que cette aventure ait été sitôt éclaircie par la diligence de vos soins ; car, si j’avais pu me résoudre auparavant à lui faire quelque réponse, ce n’aurait été que pour lui confirmer mes derniers adieux, et peut-être pour lui en déclarer le motif, dont j’avais été plus touchée que je ne le devois. Alors quel avantage ne lui aurais-je pas donné sur moi, lorsqu’il en serait venu à des éclaircissemens si heureux pour lui-même ? Vous verrez quelque jour, dans sa dernière lettre, combien il est humble, avec quelle ouverture il reconnaît, comme vous l’avez prédit, son impatience naturelle et toutes ses fautes. Je dois convenir que, depuis les lumières que vous m’avez procurées, ce langage a tout une autre apparence. Il me semble aussi, ma chère, que, sans avoir jamais vu la petite villageoise, je puis lui accorder d’être plus jolie que je n’aurais pu le croire auparavant ; car la vertu est la perfection de la beauté. Vous verrez comment il s’excuse, sur ses indispositions, " de n’avoir pu venir prendre ma lettre en personne ; et qu’il s’efforce de se purger là-dessus, comme s’il croyait que j’en ai dû ressentir quelque peine. " je suis fâchée d’avoir contribué au dérangement de sa santé, et je veux bien m’imaginer que ses inquiétudes, pendant quelque tems, ont dû être assez chagrinantes pour un esprit aussi impatient que le sien. Mais, dans l’origine, il ne peut en accuser que lui-même. Vous verrez que dans la supposition que je lui pardonne, il est rempli d’inventions et d’expédiens pour me délivrer de la violence dont je suis menacée. J’ai toujours dit que le premier degré, après l’innocence, est de reconnaître ses fautes, parce qu’il n’y a point de changement à se promettre de ceux qui s’étudient à les défendre. Mais vous trouverez dans cette lettre même, de la hauteur jusque dans ses soumissions. à la vérité, je n’y découvre aucun sujet de reproche dans les termes : cependant je ne trouve point, à son humilité, l’air de cette vertu, et je ne reconnais pas qu’elle porte non plus sur ses véritables fondemens. Il est certain qu’il est fort éloigné du vrai caractère d’un homme poli ;