Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

suis fâché, mademoiselle, que vous me teniez ce langage. Il est certain que vous ne m’avertirez d’aucune faute dont je n’aie la volonté de me corriger ". Eh bien ! Monsieur, corrigez-vous donc de celle-ci : ne souhaitez pas qu’on emploie la violence pour forcer une jeune personne sur le point le plus important de sa vie, par des motifs qu’elle méprise, et en faveur d’un homme qu’elle ne peut estimer ; tandis que, par ses propres droits, elle est assez bien partagée pour se croire supérieure à toutes les offres ; et que, par son caractère, elle est contente de son partage. " je ne vois pas, mademoiselle, que vous en fussiez plus heureuse, quand je renoncerais à mes espérances ; car… " je l’ai interrompu : c’est un soin, monsieur, qui ne vous regarde pas. Faites cesser seulement vos persécutions ; et si, pour me punir, on juge à propos de susciter quelqu’autre homme, le blâme ne tombera pas sur vous. Vous aurez droit à ma reconnaissance, et je vous en promets une très-sincère. Il est demeuré en silence, d’un air extrêmement embarrassé ; et j’allais continuer avec plus de force encore, lorsque mon oncle Antonin est entré. " assise ! Ma nièce ; et M Solmes debout ! Assise en reine, qui donne majestueusement ses audiences ! Pourquoi cette humble posture, cher M Solmes ; pourquoi cette distance ? J’espère qu’avant la fin du jour je vous verrai ensemble un peu plus familiers ". Je me suis levée aussi-tôt que je l’ai aperçu ; et baissant la tête, un genou à demi-plié ; recevez, monsieur, les respects d’une nièce qui s’afflige d’avoir été privée si long-temps de l’honneur de vous voir : souffrez qu’elle implore votre faveur et votre compassion. " vous aurez la faveur de tout le monde, ma nièce, lorsque vous penserez sérieusement à la mériter ". Si j’ai pu la mériter jamais, c’est à présent qu’elle doit m’être accordée. J’ai été traitée avec une extrême rigueur. J’ai fait des offres qu’on ne devait pas refuser, des offres qu’on n’aurait jamais demandées de moi. Quel crime ai-je donc commis, pour me voir honteusement bannie et renfermée ? Pourquoi faut-il qu’on m’ ôte jusqu’à la liberté de me déterminer sur un point qui intéresse également mon bonheur présent et mon bonheur futur. " Miss Clary, m’a répondu mon oncle, vous n’avez fait que votre volonté jusqu’à présent : c’est ce qui oblige vos parens d’exercer, à leur tour, l’autorité que Dieu leur a donnée sur vous ". Ma volonté ! Monsieur… permettez-moi de vous demander si ma volonté jusqu’à présent n’a pas été celle de mon père, la vôtre, et celle de mon oncle Harlove ? N’ai-je pas mis toute ma gloire à vous obéir ? Je n’ai jamais demandé une faveur, sans avoir bien considéré s’il convenait de me l’accorder. Et pour marquer à présent mon obéissance, n’ai-je pas offert de me réduire au célibat ? N’ai-je pas offert de renoncer aux bienfaits de mon grand-père ? Pourquoi donc, mon cher oncle ?… " on ne souhaite pas que vous renonciez à la donation de votre grand-père. On ne demande point que vous preniez le parti du célibat. Vous connaissez nos motifs, et nous devinons les vôtres. Je ne fais pas