Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/316

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férerais à la qualité de roi, qui ne serait point accompagnée d’un si précieux avantage… à quoi tient-il donc, a interrompu mon oncle… permettez-moi, monsieur… mais j’ose dire qu’une infinité de gens, qui évitent la censure, n’en ont pas plus de droit aux applaudissemens. J’observerai de plus que M Solmes même peut n’être pas absolument sans défauts. Le bruit de ses vertus n’est jamais venu jusqu’à moi. J’ai entendu parler de quelques vices… pardon, monsieur ; vous êtes présent… l’endrait de l’écriture où il est parlé de jeter la première pierre , offre une excellente leçon. Il a baissé la vue, mais sans prononcer un seul mot. M Lovelace, ai-je continué, peut avoir des vices que vous n’avez pas. Peut-être en avez-vous d’autres, dont il est exempt. Mon dessein n’est pas de le défendre, ni de vous accuser. Il n’y a point de mal ni de bien sans mêlange. M Lovelace, par exemple, passe pour un homme implacable, et qui hait mes amis ; je ne l’en estime pas davantage. Mais qu’il me soit permis de dire qu’ils ne le haissent pas moins. M Solmes n’est pas non plus sans antipathies ; il en a même de très-fortes. Parlerai-je de celle qu’il a pour ses propres parens ? Je ne puis croire que ce soit leur faute, puisqu’ils vivent très-bien avec le reste de leur famille. Cependant ils peuvent avoir d’autres vices ; je ne dirai pas plus odieux, car c’est ce qui me semble impossible. Pardon encore une fois, monsieur. Mais que peut-on penser d’un homme qui déteste son propre sang ? Vous n’êtes pas informée, mademoiselle. Vous ne l’êtes pas, ma nièce ; vous ne l’êtes pas, Clary ; tous trois m’ont fait la même réponse ensemble. Il se peut que je ne le sois pas. Je ne désire pas de l’être mieux, parce que je n’y prends aucun intérêt. Mais le public vous accuse, monsieur ; et si le public est injuste à l’égard de l’un, ne le peut-il pas être à l’égard de l’autre ? C’est tout ce que j’en veux conclure. J’ajoute seulement que la plus grande marque du défaut de mérite, est de chercher à ruiner le caractère d’autrui pour établir le sien. Il me serait difficile de vous représenter l’air de confusion qui s’est répandu dans toute sa figure. Je l’ai cru prêt à pleurer. Tous ses traits étoient déplacés par la violence de ses contorsions, et sa bouche ni son nez ne me paroissaient point au milieu de son visage. S’il avait été capable de quelque pitié pour moi, il est certain que j’aurais essayé d’en avoir pour lui. Ils sont demeurés tous trois à se regarder en silence. J’ai cru remarquer dans les yeux de ma tante, qu’elle n’aurait pas été fâchée de pouvoir faire connaître qu’elle approuvait tout ce que j’avais dit ; et lorsqu’elle a recommencé à parler, elle ne m’a blâmée que foiblement de ne vouloir pas entendre M Solmes. Pour lui, il n’a plus marqué la même ardeur pour se faire écouter. Mon oncle a dit qu’il était impossible de me faire entendre raison. Enfin, je les aurais réduits tous deux au silence, si mon frère n’était revenu à leur secours. Il est entré, les yeux étincelans de colère ; et, dans son transport, il a tenu un étrange langage : " je m’aperçois qu’avec son babil, cette causeuse vous a rendu muets. Mais tenez ferme, M Solmes. J’ai entendu jusqu’au moindre mot ; et je ne vois point d’autre méthode pour vous mettre de pair avec elle, que