Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/323

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puisse jamais traiter une femme plus mal que je l’ai été, sur-tout par mon frère et par ma sœur ? Ah ! Ma nièce, ah ! Chère Clary, que ce méchant homme a jeté de fortes racines dans votre cœur ! Peut-être vous trompez-vous, madame. Mais en vérité, les pères et les mères qui veulent faire entrer une fille dans leurs idées sur des points de cette nature, devraient se garder soigneusement de hasarder des choses qui puissent lui faire une loi de générosité et d’honneur de prendre parti pour l’homme qu’ils ont en aversion. Cependant, tout examiné, comme j’ai offert de renoncer à lui pour jamais, je ne vois pas d’où vient cette affectation continuelle de me parler de lui, ni pourquoi l’on exigerait que je prêtasse l’oreille aux détails qui le regardent. Mais enfin, ma nièce, vous ne sauriez prétendre qu’il y ait aucun mal à vous laisser raconter par M Solmes ce que M Lovelace a dit de vous. Avec quelque rigueur que vous l’ayez traité, il brûle de vous revoir. Il vous demande en grace de l’entendre sur ce point. Si vous croyez, madame, qu’il soit convenable de l’entendre… oui, chère Clary, a-t-elle interrompu vivement, très-convenable. Ce qu’il dit de moi, madame, vous a-t-il convaincue de la bassesse de M Lovelace ? Oui, ma chère, et que vous êtes obligée de le détester. Eh bien ! Madame, ayez la bonté de me le faire entendre de vous. Il n’est pas besoin que je voie M Solmes, lorsque le récit qu’il veut me faire sera d’un double poids dans votre bouche. Apprenez-moi, madame, ce qu’on a osé dire de moi. Il m’a paru que ma tante était dans le dernier embarras. Cependant, après s’être un peu remise : fort bien, m’a-t-elle dit ; je vois à quel point votre cœur est attaché. J’en suis affligée, miss, car je vous assure qu’on y fera peu d’attention. Vous serez Madame Solmes, et plutôt que vous ne vous y attendez. Si le consentement du cœur et le témoignage de la voix sont nécessaires au mariage, je suis sûre de n’être jamais à M Solmes : et de quels excès mes parens ne seront-ils pas responsables, s’ils emploient la force pour mettre ma main dans la sienne, et pour l’y tenir jusqu’à la fin de la cérémonie ; pendant qu’évanouie d’horreur, je serai peut-être hors d’état de le sentir. Quelle peinture romanesque me faites-vous d’un mariage forcé ? D’autres vous répondraient, ma nièce, que c’est celle de votre propre obstination. C’est à quoi je m’attendrais de la part de mon frère et de ma sœur : mais vous, madame, je suis sûre que vous mettez de la distinction entre l’opiniâtreté et l’antipathie. L’antipathie supposée, ma chère, peut avoir sa source dans une opiniâtreté réelle. Je connais mon cœur, madame, et je souhaiterais que vous le connussiez de même. Mais voyez du moins encore une fois M Solmes. On vous en saura gré, et vous ferez plus que vous ne vous imaginez pour vous. Pourquoi le voir, madame ? Prend-il plaisir à s’entendre déclarer