Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/349

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Vous ne m’entendez pas, a-t-elle repris, en mettant plus de gravité dans ses yeux. Jusqu’à présent, les prières et les instances ont été employées, sans fruit, pour vous inspirer une soumission qui aurait fait le bonheur de tous vos amis : le temps en est passé. Il est décidé, comme la justice le demande, que votre père sera obéi. On vous accuse sourdement d’avoir quelque part au dessein que M Lovelace a formé de vous enlever. Votre mère refuse de le croire. Elle veut vous assurer de la bonne opinion qu’elle a de vous. Elle veut vous dire qu’elle vous aime encore, et vous expliquer ce qu’elle attend de vous dans l’occasion qui s’approche. Mais, pour ne pas s’exposer à des oppositions qui ne feraient que l’irriter, elle voudrait être sûre que vous descendrez dans la résolution de faire de bonne grâce ce qu’il faut que vous fassiez, de bonne grâce ou non. Elle se propose aussi de vous donner quelques avis sur la conduite que vous aurez à tenir pour vous réconcilier avec votre père et avec toute la famille. Voulez-vous descendre, miss, ou ne voulez-vous pas ? Je lui ai dit qu’après un si long bannissement, je m’estimerais heureuse de paraître aux yeux de ma mère ; mais que je ne pouvais le désirer à cette condition. Est-ce là votre réponse, miss ? Je n’en ai pas d’autre à faire, madame. Jamais je ne serai à M Solmes. Il est cruel pour moi d’être si souvent pressée sur le même sujet ; mais je ne serai jamais à cet homme-là. Elle m’a quittée d’un air chagrin. Je n’y sais aucun remede. Tant d’efforts, continuellement redoublés, ont lassé ma patience. J’admire que celle de mes persécuteurs ne paroisse pas s’épuiser. Si peu de variation dans leurs sentimens ! Une constance dont il n’y a d’exemple que pour mon malheur ! Je vais porter cette lettre au dépôt : et je ne veux pas différer un moment, parce que Betty s’est aperçue que j’avais écrit. L’impertinente a pris une serviette, dont elle a trempé le coin dans l’eau ; et me la présentant d’un air railleur : miss, puis-je vous offrir… quoi donc ? Lui ai-je dit. Seulement, miss, un doigt de votre main droite, s’il vous plaît d’y faire attention. En effet, j’avais un doigt taché d’encre. Je me suis contentée de jeter sur elle un regard dédaigneux, sans lui répondre. Mais, dans la crainte de quelque nouvelle recherche, je prends le parti de fermer ma lettre. Clarisse Harlove.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

vendredi, à une heure. Je reçois une lettre de M Lovelace, pleine de transports, de vœux et de promesses. Vous l’aurez avec celle-ci. Il m’engage sa parole pour la protection de sa tante Lawrance, et pour la compagnie de Miss Charlotte Montaigu. Je ne dois penser, dit-il, qu’à m’affermir dans mes résolutions, et à recevoir personnellement les félicitations de sa famille. Mais vous verrez avec quelle présomption il en conclut déjà que je suis à lui. Le carrosse à six chevaux se trouvera ponctuellement au lieu qu’il a proposé. à l’égard des craintes qui m’allarment si vivement pour ma réputation, vous