Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/358

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ils point de la porte de derrière, qui s’ouvre rarement, parce qu’elle conduit dans un lieu désert, et qu’elle est derrière une assez épaisse charmille. Au fond, je ne connais pas d’autre endroit par lequel on pût sortir sans quelque danger d’être aperçu ; excepté, néanmoins, par l’allée verte, qui est derrière le bûcher : mais il faudrait descendre de la haute terrasse, qui borde ma basse-cour du même côté. Toutes les autres parties du jardin sont ouvertes par des claires voies ; et les environs, qui sont plantés nouvellement en quinconces d’ormes et de tilleuls, ne donnent pas encore beaucoup de couvert. Le grand cabinet de verdure, que vous connaissez, me paraît le plus commode de tous les lieux que je pourrais choisir pour mes importantes vues. Il n’est pas loin de la porte de derrière, quoiqu’il soit dans une autre allée. On ne sera pas surpris que je m’y arrête, parce que je l’ai toujours aimé. Hors le temps des grandes chaleurs, sa fraîcheur éloigne tout le monde. Lorsqu’on avait quelque tendresse pour moi, on s’alarmait de m’y voir quelquefois trop long-temps. Mais on a peu d’inquiétude à présent pour ma santé. L’opiniâtreté, disait hier mon frère, est une excellente cuirasse. Avec vos plus ferventes prières, je vous demande, ma chère amie, votre approbation, ou votre censure. Il n’est pas encore trop tard pour révoquer mes engagemens. Cl Harlove. Comment pouvez-vous envoyer votre messager les mains vides ?



Miss Howe, à Miss Clarisse Harlove.

samedi après dîner. La dernière date de votre lettre, qui est dix heures du matin, m’assure qu’elle ne pouvait être depuis long-temps au dépôt, lorsque Robert y est arrivé. Il a fait une diligence extrême pour me l’apporter, et je l’ai reçue en sortant de table. Dans la situation où vous êtes, vous me blâmez, avec raison, d’envoyer mon messager les mains vides ; et c’est néanmoins cette situation même, cette critique situation, qui cause en partie mon retardement. En vérité, mon esprit ne me fournit rien qui puisse vous aider. J’ai employé secrétement tous mes soins pour vous procurer quelque moyen de quitter le château d’Harlove, sans paraître mêlée dans les circonstances de votre évasion ; parce que je n’ignore pas qu’obliger dans le fait, et désobliger dans la manière, c’est n’obliger qu’à demi. D’ailleurs, les soupçons et l’inquiétude de ma mère semblent augmenter. Elle y est confirmée par les visites continuelles de votre oncle Antonin, qui ne cesse de lui répéter que la conclusion approche, et qu’on espère que sa fille n’arrêtera point le penchant que vous marquez à la soumission. Je suis informée de ces détails par des voies que je ne puis leur faire connaître, sans me jeter dans la nécessité de faire plus de bruit qu’il n’est à souhaiter pour l’un et pour l’autre. Nous n’avons pas besoin de cela, ma mère et moi, pour nous quereller presque à toute heure. Pressée comme je suis par le tems, et privée, par vos pressantes instances,