Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/362

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conséquent, jugez combien je suis touchée d’une situation aussi critique que la vôtre. C’est la force de ce sentiment qui me fait tourner ma censure jusques sur vous ; c’est-à-dire, sur ce caractère philosophique, sur cette admirable sévérité que vous avez pour vous-même, et qui vous abandonne dans la cause d’autrui. Mes vœux, mes prières continuelles, seront employés à demander au ciel que vous puissiez sortir de ces épreuves, sans aucune tache pour cette belle réputation, qui a été jusqu’à présent aussi pure que votre cœur : vœux ardens, prières uniques, qui ne sont pas un moment interrompus, et que je répète vingt-fois, en me disant éternellement à vous. Anne Howe. P s. Je me suis pressée d’écrire, et je ne me hâte pas moins de faire partir Robert ; afin que, dans une situation si critique, vous ayiez le temps de considérer ce que je vous marque, sous deux points qui me paroissent les plus importans. Je veux vous les remettre sous vos yeux en deux mots. " si vous ne devez pas vous déterminer plutôt à partir avec une personne de votre sexe, avec votre Anne Howe, qu’avec une personne de l’autre, avec M Lovelace ? " supposé que vous partiez avec lui ; " si vous ne devez pas vous marier le plutôt qu’il vous sera possible ? ".



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

samedi après midi, avant la réception de la lettre précédente. La réponse ne s’est pas fait attendre. C’est une lettre d’excuses, si je puis lui donner ce nom. " il s’engage à la soumission sur tous les points. Il approuve tout ce que je propose ; sur-tout le choix d’un logement particulier. C’est un expédient qui lui paraît heureux pour aller au-devant de toutes les censures. Cependant il est persuadé que, traitée comme je le suis, je pourrais me mettre sous la protection de sa tante, sans avoir rien à redouter pour ma réputation. Mais tout ce que je désire, tout ce que j’ordonne est une loi suprême ; et le meilleur parti sans doute pour la sûreté de mon honneur, auquel je verrai qu’il prend le même intérêt que moi. Il m’assure seulement que la passion de tous ses proches est de tirer avantage des persécutions que j’essuie, pour me faire leur cour, et pour s’acquérir des droits sur mon cœur par les services les plus tendres et les plus empressés ; heureux s’ils peuvent contribuer par quelque moyen au bonheur de ma vie ! " il écrira dès aujourd’hui à son oncle et à ses deux tantes, qu’il espère à présent de se voir le plus fortuné des hommes, s’il ne ruine pas cet espoir par sa faute ; puisque la seule personne à laquelle son bonheur est attaché, sera bientôt hors du danger d’être la femme d’un autre, et qu’elle ne pourra lui rien prescrire qu’il ne se reconnaisse dans l’obligation d’exécuter. " il commence à se flatter, depuis que j’ai confirmé ma résolution par ma dernière lettre, qu’il n’y a plus de changement dont la crainte doive l’alarmer, à moins que mes amis ne changent de conduite avec moi ; de quoi il est trop sûr qu’ils ne seront jamais capables. C’est à présent que toute sa famille, qui partage ses intérêts avec tant de zèle et de bonté,