Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/403

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de votre gloire fait ma honte. Faites-vous à mes yeux d’autres titres, que je puisse approuver ; sans quoi vous n’aurez jamais pour moi le mérite que vous avez à vos propres yeux. Mais, semblables ici à nos premiers pères, moi du moins, qui suis malheureusement chassée de mon paradis, nous avons recours aux récriminations. Ne me parlez plus de ce que vous avez souffert et de ce que vous avez mérité ; de toutes vos heures , de toutes vos sortes de temps . Comptez qu’aussi long-temps que je vivrai, ces grands services seront présens à ma mémoire ; et que s’il m’est impossible de les récompenser, je serai toujours prête à en reconnaître l’obligation. Aujourd’hui, ce que je désire uniquement de vous, c’est de me laisser le soin de chercher quelque retraite qui me convienne. Prenez le carrosse pour vous rendre à Londres, ou dans tout autre lieu. Si je retombe dans le besoin de votre assistance ou de votre protection, je vous le ferai savoir, et je vous devrai de nouveaux remerciemens. Il m’avait écoutée avec une attention qui le rendait immobile. Vous vous échauffez, ma chère vie ! Me dit-il enfin ? Mais, en vérité, c’est sans sujet. Si j’avais des vues indignes de mon amour, je n’aurais pas mis tant d’honnêteté dans mes déclarations ; et recommençant à prendre le ciel à témoin, il allait s’étendre sur la sincérité de ses sentimens. Mais je l’arrêtai tout court : je vous crois sincère, monsieur. Il serait bien étrange que toutes ces protestations me fussent nécessaires pour prendre cette idée de vous (ce langage parut le faire rentrer un peu en lui-même, et le rendre plus circonspect). Si je croyais qu’elles le fussent, je ne serais pas, je vous assure, assise ici près de vous, dans une hôtellerie publique ; quoique trompée, autant que j’en puis juger, par les méthodes qui m’y ont conduite, c’est-à-dire, monsieur, par des artifices dont le seul soupçon m’irrite contre vous et contre moi-même. Mais c’est ce qu’il n’est pas temps d’approfondir. Apprenez-moi seulement, monsieur (en lui faisant une profonde révérence, car j’étais de fort mauvaise humeur), si votre dessein est de me quitter, ou si je ne suis sortie d’une prison que pour entrer dans une autre ? trompée, autant que vous en pouvez juger, par les méthodes qui vous ont conduite ici ! que je vous apprenne, mademoiselle, si vous n’êtes sortie d’une prison que pour entrer dans une autre ! En vérité, je ne reviens pas de mon étonnement. (il avait en effet l’air extrêmement mortifié, mais quelque chose de charmant dans les marques de cette surprise, vraie ou contrefaite.) est-il donc nécessaire que je réponde à des questions si cruelles ? Vous êtes maîtresse absolue de vous-même. Et qui vous empêcherait de l’être ? Au moment que vous serez dans un lieu de sûreté, je m’éloigne de vous. Je n’y mets qu’une condition ; permettez que je vous supplie d’y consentir : c’est qu’il vous plaise, à présent que vous ne dépendez que de vous-même, de renouveler une promesse que vous avez déjà faite volontairement, volontairement, sans quoi je n’aurais pas la présomption de vous la demander ; mais, quoique je ne sois pas capable d’abuser de votre bonté, je ne dois pas perdre non plus les avantages qu’il vous a plu de m’accorder. Cette promesse, mademoiselle, c’est que, dans quelque traité que vous puissiez entrer avec votre famille, vous ne serez jamais la femme d’un autre homme, tandis que je serai au