Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/415

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heures de retraite, et de ne pas exiger que je partage son lit tous les jours, comme elle s’est accoutumée depuis quelque temps à le désirer. Il vaudrait mieux, lui ai-je dit, emprunter la Betty Harlove, pour la faire veiller sur toutes mes actions. M Hickman, qui vous honore de toutes ses forces, s’est entremis si ardemment en votre faveur, et sans ma participation, qu’il ne s’est pas acquis peu de droits sur ma reconnaissance. Il m’est impossible de vous répondre aujourd’hui sur tous les points, si je ne veux me mettre en guerre ouverte avec ma mère. Ce sont des agaceries continuelles, des répétitions qui ne cessent point, quoique j’y aie répondu vingt fois. Bon dieu ! Quelle doit avoir été la vie de mon père ! Mais je ne dois pas oublier à qui j’écris. Si ce singe, toujours actif et mal-faisant, ce Lovelace, a pu pousser l’artifice… mais voici ma mère qui m’appelle. Oui, maman, oui ; mais, de grâce, un instant, s’il vous plaît : vous n’avez que des soupçons : vous ne pouvez me gronder que de vous avoir fait attendre. Oh ! Pour grondée, je suis sûre de l’être. C’est un ton que M Antonin Harlove vous a fort bien appris… dieu ! Quelle impatience !… il faut absolument, ma chère, que je quitte le plaisir de vous entretenir. Le charmant dialogue que je viens d’avoir avec ma mère ! Il s’est ressenti, je vous assure, de l’ordre impérieux que j’avais reçu de descendre. Mais vous aurez une lettre qui se ressentira aussi de tant de fâcheuses interruptions. Vous l’aurez ; c’est-à-dire lorsque j’aurai moi-même l’occasion de vous l’envoyer. à présent que vous m’avez donné votre adresse, M Hickman me trouvera des messagers. Cependant, s’il est malheureusement découvert, il doit s’attendre d’être traité à la Harlove, comme sa trop patiente maîtresse. Jeudi, 13 avril. Il m’arrive deux bonheurs à la fois ; celui de recevoir à ce moment la continuation de votre récit, et celui de me trouver un peu moins observée par mon argus de mère. Chère amie ! Que je me représente vivement votre embarras ! Une personne de votre délicatesse ! Un homme de l’espèce du vôtre ! Votre homme est un fou, ma chère, avec tout son orgueil, toutes ses complaisances, et tous ses égards affectés pour vos ordres. Cependant son esprit, fécond en inventions, me le fait redouter. Quelquefois je vous conseillerais volontiers de vous rendre chez miladi Lawrance. Mais je ne sais quel conseil vous donner. Je hasarderais mes idées, si votre principal dessein n’était pas de vous réconcilier avec vos proches. Cependant ils sont implacables, et je ne vois pour vous aucune espérance de leur côté. La visite de votre oncle à ma mère doit vous en convaincre. Si votre sœur vous fait réponse, j’ose dire qu’elle vous en donnera de tristes confirmations. Quel besoin aviez-vous de me demander si votre récit rendait votre conduite excusable à mes yeux ? Je vous ai déjà dit le jugement que j’en porte ; et je répète que tous vos chagrins et toutes les persécutions considérées, je vous crois exempte de blâme ; plus exempte du moins qu’aucune jeune personne qui ait jamais fait la même démarche. Mais faites réflexion, chère amie, qu’il y aurait de l’inhumanité à vous en accuser. Cette démarche n’est pas de vous. Poussée d’un côté, peut-ê