Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/422

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qui n’est pas coupable dans l’intention, je vous reproche, dans la conduite que vous tenez avec elle, une vivacité que je trouve inexcusable ; sans parler, pour cette fois, de la liberté excessive avec laquelle vous traitez indifféremment tous mes proches. J’en suis véritablement affligée. Si vous ne voulez pas, pour l’amour de vous-même, supprimer les plaintes et les termes d’impatience qui vous échappent à chaque ligne, faites-le, je vous en supplie, pour l’amour de moi. Votre mère peut craindre que mon exemple, comme un dangereux levain, ne soit capable de fermenter dans l’esprit de sa fille bien-aimée : et cette crainte ne peut-elle pas lui inspirer une haine irréconciliable pour moi ? Je joins à ma lettre une copie de celle que j’ai écrite à ma sœur, et que vous souhaitez de lire. Observez que, sans demander formellement ma terre, et sans m’adresser à mes curateurs, je propose de m’y retirer. Avec quelle joie ne tiendrais-je pas ma promesse, si l’offre que je renouvelle était acceptée ? Je m’imagine que, par quantité de raisons, vous jugerez, comme moi, qu’il ne convenait pas d’avouer que j’ai été entraînée contre mon inclination.


à Miss Arabelle Harlove. à Saint-Albans, mardi, 11 avril. Ma chère sœur, je ne disconviendrai pas que ma fuite n’ait toutes les apparences d’une action indiscrète et contraire au devoir. Elle me paraîtrait inexcusable à moi-même, si j’avais été traitée avec moins de rigueur, et si je n’avais eu de trop fortes raisons de me croire sacrifiée à un homme dont je ne pouvais soutenir l’idée. Mais ce qui est fait n’est plus en mon pouvoir. Peut-être souhaiterais-je d’avoir pris plus de confiance aux intentions de mon père et de mes oncles, sans autre motif néanmoins que mon respect infini pour eux. Aussi suis-je disposée à retourner, si l’on me permet de me retirer dans ma ménagerie ; et je me soumets à toutes les conditions que j’ai déjà proposées. Dans une occasion si décisive, je demande au ciel de vous inspirer pour moi les sentimens d’une sœur et d’une amie. Ma réputation, qui, malgré la démarche où je me suis engagée, me sera toujours plus chère que ma vie, est exposée à de cruelles atteintes. Un peu de douceur peut encore la rétablir, et faire passer nos disgrâces domestiques pour une mésintelligence passagère. Autrement, je n’envisage pour moi qu’une tache éternelle, qui mettra le comble à toutes les rigueurs qu’on m’a fait essuyer. Ainsi, par considération pour vous-même et pour mon frère, qui m’avez poussée dans le précipice ; par considération pour toute la famille, n’aggravez point ma faute, si vous jugez, en vous rappelant le passé, que mon départ mérite ce nom ; et n’exposez point à des maux sans remède une sœur qui ne cessera jamais d’être avec affection, votre, etc. Cl Harlove. p s. on me ferait une très-grande faveur, de m’envoyer promptement mes habits, avec cinquante guinées qu’on trouvera dans un tiroir dont