Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/484

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qui leur sert de cour commune. La maison intérieure est la plus jolie et la mieux meublée ; mais vous pourrez obtenir l’usage d’une fort belle chambre sur le devant, si vous voulez avoir une vue sur la rue. Derrière la maison intérieure est un petit jardin, où la vieille dame a déployé son imagination dans un grand nombre de figures et de vases dont elle a pris plaisir à l’orner. Comme j’ai jugé que ce logement pourrait vous plaire, mes informations ont été fort exactes. L’appartement qui se trouve à louer est dans la maison intérieure. Il est composé d’une salle à manger, deux salles de compagnie, deux ou trois chambres de lit, avec leurs garde-robes, et d’un fort joli cabinet, dont la vue donne sur le petit jardin. Tout est fort bien meublé. Un ecclésiastique en dignité, avec sa femme et une jeune fille à marier, est le dernier qui l’a occupé. Il en est sorti depuis peu, pour aller prendre possession d’un bénéfice considérable en Irlande. La veuve m’a dit qu’il ne l’avait loué d’abord que pour trois mois ; mais qu’il y avait pris tant de goût, qu’il y était demeuré deux ans, et qu’il ne l’avait quitté qu’à regret. Elle se vante qu’il en est de même de tous ses locataires ; ils s’arrêtent chez elle quatre fois plus long-temps qu’ils ne se l’étoient proposé. J’ai eu quelque connaissance du mari, qui avait la réputation d’un homme d’honneur. Mais c’est la première fois que j’aie vu sa veuve. Je lui trouve l’air un peu mâle, et quelque chose de rude dans le regard. Mais, en observant ses manières et ses attentions pour deux jeunes personnes fort agréables, qui sont les nièces de son mari et qui se louent beaucoup d’elle, je n’ai pu attribuer son embonpoint qu’à sa bonne humeur ; car il est rare que les personnes hargneuses soient fort grasses. Elle est respectée dans le quartier, et j’ai appris qu’elle voit fort bonne compagnie. Si cette description, ou celle des autres logemens que j’ai nommés, ne convient pas à Madame Lovelace, elle sera libre de n’y pas demeurer long-temps et de ne s’en rapporter qu’à son propre choix. La veuve consent à louer par mois, et à ne louer que ce qui pourra vous convenir. Elle ne s’embarrasse pas des termes, dit-elle ; et ce qu’elle voudrait savoir uniquement, c’est ce qu’il faudra fournir à madame votre épouse, et quelle sera la conduite de ses gens ou des vôtres : parce que l’expérience lui apprend que les domestiques sont ordinairement plus difficiles que les maîtres. Madame Lovelace aura la liberté de manger à table d’hôte, ou de se faire servir chez elle. Comme nous vous supposons mariés, et peut-être obligés, par des querelles de famille, à ne pas divulguer encore votre mariage, j’ai jugé qu’il ne serait pas mal à propos d’en faire entendre quelque chose à la veuve, quoique sans l’assurer de rien ; et je lui ai demandé si, dans cette supposition, elle pouvait vous loger aussi, vous et vos domestiques. Elle m’a répondu qu’elle le pouvait facilement, et qu’elle le souhaitait beaucoup ; parce que la circonstance d’une femme seule, lorsque les témoignages n’étoient pas aussi certains qu’ils le sont ici, était ordinairement pour elle un sujet d’exception. Si vous n’approuvez aucun de ces logemens, il ne faut pas douter qu’on n’en puisse trouver de beaucoup plus beaux dans d’autres quartiers, sur-tout vers les nouvelles places. Madame Doleman, sa sœur et moi, nous vous offrons, dans notre maison d’Uxbridge, toutes les commodités