Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/498

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Il me reste un mot à dire sur les reproches libres dont cette lettre est remplie. Je me flatte que vous me le pardonnerez, parce qu’il y a peu d’amitiés qui portent sur les mêmes fondemens que la nôtre, c’est-à-dire sur le droit mutuel de nous avertir de nos fautes, et sur la certitude que ces avis seront reçus avec une tendre reconnaissance, en partant de ce principe, qu’il est plus doux et plus honorable d’être corrigée par une véritable amie, que de s’exposer, par une aveugle persévérance dans l’erreur, à la censure et aux railleries du public. Mais je suis persuadée qu’il est aussi inutile de vous rappeler les loix de notre amitié, que de vous exhorter à les observer rigoureusement à votre tour, en n’épargnant ni mes folies ni mes fautes. Cl Harlove. p s. je m’étais proposé, dans mes trois lettres précédentes, de ne pas toucher, s’il étoit possible, à mes propres affaires. Mon dessein est de vous écrire encore une fois, pour vous informer de ma situation : mais trouvez bon, ma chère, que cette lettre que je vous promets, et votre réponse, qui contiendra s’il vous plaît vos avis, et la copie de celle que j’ai écrite à ma tante, soient les dernières que nous recevions l’une de l’autre, tandis que la défense continue. Je crains, hélas ! Je crains beaucoup qu’un des malheureux effets de mon mauvais sort ne soit de me faire revenir à des évasions, de me faire tomber dans de petites affectations, et de m’écarter en un mot du chemin droit de la vérité, que j’ai toujours fait gloire de suivre. Mais qu’il me soit permis de vous assurer, pour l’amour de vous-même, et pour diminuer les alarmes que votre mère a conçues de notre correspondance, que, s’il m’arrivait de commettre quelque faute de cette nature, loin de persévérer dans mon égarement, je ne serais pas long-temps sans m’en repentir ; et je m’efforcerais de regagner le terrein que j’aurais perdu, dans la crainte de voir tourner l’erreur en habitude. Les instances de Madame Sorlings m’ont fait différer mon départ de quelques jours. Il est fixé à lundi prochain, comme je vous l’expliquerai dans ma première lettre, qui est déjà commencée ; mais trouvant une occasion imprévue pour celle-ci, je me détermine à la faire partir seule.



Miss Howe à Miss Clarisse Harlove.

vendredi matin, 11 avril. Ma mère refuse d’accepter votre condition, chère amie. Je la lui ai proposée comme de moi : mais les Harlove (pardonnez l’expression) possèdent absolument son esprit. C’est un trait de mon invention, m’a-t-elle dit, pour l’engager dans vos intérêts contre votre famille ; elle me défie de la surprendre. Ayez moins d’inquiétude sur ce qui nous regarde, elle et moi ; je vous le recommande encore. Nous nous arrangerons fort bien ensemble. Tantôt une querelle, tantôt un raccommodement : c’est une ancienne habitude, qui a commencé avant qu’il fût question de vous. Cependant je vous fais des remerciemens sincères pour chaque ligne de vos trois dernières lettres, que je me propose de relire attentivement lorsque ma bile sera prête à s’échauffer. Je ne vous dissimule point que