Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/513

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S’il m’était permis, madame, de vous écrire avec l’espérance d’une réponse, je suis en état de justifier mes intentions dans la démarche où je me suis engagée, quoiqu’aux yeux de mes plus rigoureux juges, je ne me flatte pas de pouvoir éviter quelque reproche d’imprudence. Pour vous, j’en suis sûre, vous auriez pitié de moi, si vous saviez tout ce que j’aurais à dire pour ma défense, et combien je me crois misérable d’avoir perdu l’estime de tous mes amis. Il n’est pas encore impossible de m’y rétablir. Mais, quelle que soit ma sentence au château d’Harlove, ne me refusez pas, ma chère tante, quelques lignes de réponse, pour m’apprendre s’il n’y a point d’espérance de réconciliation, à des conditions moins choquantes que celles qu’on a voulu m’imposer ; ou, m’en préserve le ciel ! Si je suis abandonnée sans retour. Du moins, ma chère tante, procurez-moi la justice que j’ai demandée dans une lettre à ma sœur, pour mes habits et pour la petite somme d’argent ; afin que je ne me trouve pas destituée des commodités les plus simples, et dans la nécessité d’avoir obligation à ceux auxquels je souhaiterais le moins d’accorder cet avantage sur moi. Permettez-moi d’observer que, si ma démarche était venue d’un dessein formé, j’aurais pu, du moins, avec l’argent et les pierreries, m’épargner les mortifications que j’ai souffertes, et qui ne peuvent qu’augmenter, si ma demande est rejetée. Si vous obtenez la permission de recevoir les éclaircissements que je vous offre, je vous ouvrirai le fond de mon cœur, et je vous informerai de tout ce que vous ignorez. Si l’on se propose de me mortifier, ah ! Faites bien connaître que je le suis excessivement ; et que c’est, néanmoins, par mes propres réflexions que je le suis, n’ayant point de plaintes à faire de la personne dont on appréhendait toutes sortes de maux. Le porteur de ma lettre a quelques affaires dans votre quartier, qui lui donneront le tems d’attendre votre réponse, si vous m’accordez cette faveur, et de me l’apporter samedi au matin. C’est une occasion que je n’avais pas prévue. Je suis, etc. Cl Harlove. p s. personne ne saura jamais que vous ayez eu la bonté de m’écrire, si vous souhaitez que votre réponse demeure secrète.



Miss Howe à Miss Clarisse Harlove.

samedi, 22 avril. Je ne sais quelle explication donner aux méthodes de votre personnage ; mais il doute certainement que votre cœur soit à lui : et là-dessus, du moins, je le trouve fort modeste, car c’est confesser tacitement qu’il n’en est pas digne. Il ne peut soutenir de vous entendre regretter les oignons d’égypte, et de se voir reprocher continuellement l’entrevue, votre fuite, et ce que vous nommez ses artifices. J’ai passé en revue toute sa conduite : je l’ai comparée avec son caractère général ; et je trouve qu’il y a plus de constance et d’uniformité dans son orgueil et dans son humeur vindicative, c’est-à-