Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/526

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envoyés. Il paroît qu’en négligeant de les prendre, vous vous êtes crue sûre de les obtenir lorsqu’il vous plairait de les demander. Mais peut-être n’aviez-vous dans l’esprit que la pensée de joindre votre amant ; car tout semble avoir été oublié, à l’exception de ce qui pouvait servir à votre fuite. Cependant vous avez peut-être jugé, avec raison, qu’en tâchant d’emporter vos habits, vous pouviez être découverte. Rusée créature, de n’avoir pas fait une démarche qui ait pu faire deviner votre dessein ! Rusée, c’est-à-dire pour votre propre ruine et pour l’opprobre de votre famille. Mais votre misérable vous a-t-il conseillé d’écrire pour vos habits, dans la crainte que vous ne lui fassiez trop de dépense ? Je suppose que c’est le motif. A-t-on jamais entendu parler d’une créature plus étourdie ? C’est néanmoins, la célèbre, la brillante Clarisse… comment la nommerai-je ? Harlove, sans doute ? Oui, Harlove, pour notre honte commune ! Vos desseins et tous vos ouvrages de peinture ont été enlevés ; de même que votre grand portrait, dans le goût de Vandicke, qui étoit dans le parloir autrefois vôtre . On les a renfermés dans votre cabinet, dont la porte sera condamnée, comme s’il ne faisait plus partie de la maison ; pour y périr tous ensemble de pourriture, ou peut-être par le feu du ciel. Qui pourrait en soutenir la vue ? Souvenez-vous avec quel empressement on prenait plaisir à les montrer ; l’un, pour faire admirer l’ouvrage de vos belles mains ; l’autre, pour exalter la prétendue dignité de votre figure, qui est maintenant dans la boue. Et qui, qui se faisait un bonheur de cette complaisance ? Ces mêmes parens, dont l’aveugle tendresse ne vous a point empêchée d’escalader les murs de leur jardin, pour fuir avec un homme. James Harlove. Mon frère a juré vengeance contre votre libertin : j’entends, pour l’honneur de la famille, sans aucun égard pour vous ; car il déclare que, s’il vous rencontre jamais, il vous traitera comme une fille publique : et il ne doute pas que tôt ou tard ce ne soit votre sort. Mon oncle Harlove vous renonce pour jamais ; ainsi que mon oncle Antonin ; ainsi que ma tante Hervey ; ainsi que moi ; vile et indigne créature ! Disgrâce de votre famille ! Proie d’un infâme libertin, que vous serez infailliblement, si vous ne l’êtes pas déjà ! Vos livres, puisqu’ils ne vous ont point appris ce que vous deviez à vos proches, à votre sexe et à votre éducation, ne vous seront point envoyés ; non plus que votre argent, ni les pierreries que vous méritiez si peu. On souhaiterait de vous voir mendier votre pain dans les rues de Londres. Si cette rigueur vous pèse, mettez la main sur votre cœur, et demandez-vous à vous-même pourquoi vous l’avez méritée ? Tous les honnêtes gens que votre orgueil vous a fait rejeter avec mépris (excepté M Solmes, qui devrait se réjouir néanmoins de vous avoir manquée), se font un triomphe de votre honteuse fuite, et reconnaissent à présent d’où venaient vos refus. Votre digne Norton rougit de vous. Elle mêle ses larmes avec celles de