Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/529

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vous faire mourir de chagrin ; car il est clair pour moi que c’est ce qu’ils se proposent à présent. Quelle petitesse, de vous refuser vos livres, vos pierreries et votre argent ! Je ne vois que l’argent dont vous ayez un besoin absolu, puisqu’ils daignent vous accorder vos habits. Je vous envoie, par le porteur, les mêlanges de Norris , où vous trouverez cinquante guinées dans autant de petits papiers. Si vous m’aimez, ne me les renvoyez pas. Il m’en reste à votre service. Ainsi, lorsque vous arriverez à Londres, si votre logement ou la conduite de votre homme vous déplaisent, quittez sur le champ l’un et l’autre. Je vous conseillerais aussi d’écrire sans délai à M Morden. S’il se dispose à revenir, votre lettre hâtera son départ ; et vous en serez plus tranquille jusqu’à son arrivée. Mais Lovelace est un imbécille, s’il n’obtient pas son bonheur de votre consentement, avant que le retour de votre cousin rende le sien nécessaire. Courage encore une fois. Tout s’arrange pour votre bonheur. Ces violences même en sont le présage. Supposez que vous soyez moi, et que je sois vous (c’est une supposition que vous pouvez faire ; car vos malheurs sont les miens), et donnez-vous à vous-même les consolations que vous me donneriez. J’ai les mêmes idées que vous de la malédiction des parens : mais distinguons ceux qui ont plus à répondre que leurs enfans, pour les fautes même dont leur emportement s’autorise. Pour donner quelque vertu à ces horribles imprécations, les parens doivent être sans reproche ; et la désobéissance ou l’ingratitude d’un enfant doit être sans excuse. Voilà, dans mes humbles idées, le jour sous lequel votre disgrâce doit frapper mes yeux et ceux du public. Si vous ne laissez pas prendre, sur vous, trop d’empire à la douleur et à la défiance de votre sort, vous fortifierez ce rayon de lumière, et vous l’augmenterez par vos propres réflexions. Anne Howe.



Miss Clarisse Harlove à Miss Howe.

mercredi matin, 26 avril. Votre lettre, chère et fidèle Miss Howe, m’apporte beaucoup de consolation. Avec quelle douceur j’éprouve la vérité de cette maxime du sage, qu’un ami fidèle est la médecine de la vie ! Votre messager arrive au moment que je pars pour Londres ; la chaise à la porte. J’ai déjà fait mes adieux à la bonne veuve, qui m’accorde, à la prière de M Lovelace, l’aînée de ses filles, pour m’accompagner dans le voyage. Cette jeune personne doit retourner dans deux ou trois jours, avec la chaise, qui sera renvoyée au château de Milord M dans Hertfordshire. J’avais reçu cette lettre terrible le dimanche, pendant que M Lovelace était absent. Il s’aperçut, à son retour, de l’excès de ma douleur et de mon abattement ; et ses gens lui apprirent que j’avais été beaucoup plus mal : en effet, je m’étais évanouie deux fois. Je crois que ma tête s’en ressent comme mon cœur. Il aurait souhaité de voir la lettre. Mais je m’y opposai, à cause des