Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/531

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quelques petites délicatesses, sur lesquelles il me serait difficile de passer. Point de préparations ; point d’articles dressés ; point de permission ecclésiastique ; un fond de douleur continuelle ; nul plaisir en perspective, pas même dans mes plus vagues désirs : ô ma chère ! Qui pourrait, dans cette situation, penser à des engagemens si solennels ? Qui pourrait paraître prête, et l’être si peu ? Si j’osais me flatter que mon indifférence pour toutes les joies de la vie vint d’un juste motif, et qu’elle n’ait pas plutôt sa source dans l’amertume de mon cœur et dans les mortifications que mon orgueil se lasse d’essuyer, que la mort aurait d’attraits pour moi ! Et que j’épouserais un cercueil bien plus volontiers qu’aucun homme ! En vérité, je ne connais plus de plaisir que dans votre amitié. Assurez-moi qu’il ne me manquera jamais. Si mon cœur devient capable d’en désirer d’autres, ce ne peut être que sur ce fondement. L’abattement de mes esprits recommence au moment de mon départ. Pardonnez ce profond accès de vapeurs noires qui me dérobent jusqu’à l’espérance, seule ressource des malheureux, dont je n’ai jamais été privée que depuis ces deux jours. Mais il est temps de vous laisser respirer. Adieu, très-chère et très-tendre amie. Priez pour votre Cl Harlove.



Miss Howe à Miss Clarisse Harlove.

jeudi, 27 avril. Je ne suis pas contente que vous m’ayez renvoyé mon Norris. Mais il faut se rendre à toutes vos volontés. Vous en pourriez dire autant des miennes. Aucune des deux, peut-être, ne doit espérer de l’autre qu’elle fasse ce qu’il y a de mieux ; et peu de jeunes filles néanmoins savent mieux ce qu’elles devraient faire. Je ne puis me séparer de vous, ma chère ; quoique je donne une double preuve de ma vanité dans ce compliment que je me fais à moi-même. C’est de tout mon cœur que je me réjouis de voir un changement si avantageux dans votre situation. Le bien, comme j’ai osé vous le promettre, est venu du mal. Quelle idée aurais-je conçue de votre homme, et quelles auraient dû être ses vues, s’il n’avait pas pris ce parti sur une lettre si infâme, et sur un traitement si barbare ; principalement, lorsqu’il en est l’occasion ? Vous savez mieux que personne quels ont été vos motifs : mais je souhaiterais que vous vous fussiez rendue à des instances si sérieuses. Pourquoi n’auriez-vous pas dû permettre qu’il fît venir le chapelain de Milord M ? Si vous êtes arrêtée par des bagatelles, telles qu’une permission, des préparatifs, et d’autres scrupules de cette nature, votre servante, ma chère ! Vous ne sentez donc pas que la grande cérémonie est un équivalent pour tous les autres. Gardez-vous de retomber dans vos mélancoliques délicatesses, jusqu’à préférer un drap mortuaire à ce qui doit faire l’objet de vos désirs, lorsque vous l’avez actuellement entre les mains, et lorsqu’il est vrai, comme vous l’avez dit dans une occasion plus juste, qu’on n’a pas la liberté de mourir quand on veut. Mais je ne sais