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du Chev. Grandisson.

Mardi 7 à 8 heures du matin.

Quelle nuit j’ai passée ! Je n’ai pas fermé l’œil.

Personne ne remue encore. Chacun appréhende de paroître, dans la crainte de se voir l’un l’autre. Je me sens les yeux enflés, de larmes & d’insomnie. Il est surprenant que mon Oncle ne descende point. Il pourroit donner des ordres… mais hélas ! sur quoi !

Quels auroient été mes songes, si j’avois pu m’assoupir assez pour donner quelque apparence de réalité à de vaines ombres ! J’ai vu assez de phantômes en veillant, car je n’ai pas cessé d’avoir les yeux ouverts. Ma Femme de chambre a passé la nuit près de moi. Elle m’a remarqué des tressaillements, des absences d’esprit ! Jamais je ne m’étois trouvée dans cet état. Dieu me garde d’une telle nuit ! Il ne me reste que la force d’écrire. Mais que sert d’écrire ? À quelle fin ? Épargnez-vous de lire des inutilités… Je vais changer de posture… À présent je suis à genoux, priant, faisant des vœux au Ciel… Mais je vois entrer Lucie !

Elle est venue. Nancy est entrée après elle. Elles n’ont fait que me tourmenter toutes deux par le récit de leurs songes. Ma Tante est fort mal. Mon Oncle vient de s’endormir, après s’être abandonné toute la nuit à ses réflexions : ma Grand’Mere ne saura pas la cause de nos peines aussi long-temps qu’on pourra les lui cacher, du moins, si… Cruel si ! j’abandonne ma plume.