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Histoire

monde fait l’éloge de votre bonté ; & je vois que ce n’est pas la moindre de vos louanges, d’avoir fidelement rendu ce que vous deviez à un Pere, qui sembloit avoir oublié ce qu’il devoit lui-même à sa Famille. Votre principe, je le sais, est que dans les obligations mutuelles, la négligence de l’un ne justifie pas celle de l’autre. Hélas ! comment pourrai-je donc paroître devant vous ? Je rougis de cette seule pensée… moi qui viens d’abandonner les meilleurs & les plus tendres Parens ! Ciel, je t’en demande pardon ! Cependant puis-je dire que j’ai du repentir ? Il me le semble. Mais non, non, ce n’est au plus qu’un repentir conditionnel.

Je suis dans votre Angleterre. Ah ! ne me demandez pas ma demeure. J’y suis dans une basse condition ; sans fortune ; dans un logement assez incommode ; avec deux seuls Domestiques à ma suite. Laura, dont vous vous souvenez sans doute, qui pleure à chaque moment d’avoir quitté l’Italie ; un autre que vous ne connoissez pas, qu’on nommoit mon Page dans un tems qui n’est plus, & qui me sert maintenant à tout. Pauvre jeune homme ! mais il est honnête, il est fidele ! Qu’il soit récompensé par le Ciel ! le pouvoir me manque.

Le croirez-vous ? Dans cet étrange abbaissement de fortune, quelquefois de force & d’esprit, je ne laisse pas de me croire heureuse : heureuse, de la seule pensée que je suis encore Fille.

Que dirai-je de plus ? J’ai mille choses à