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nous autres gueux


On saura quelle était l’ampleur de ton domaine.
Et que les passions des gueux comme des rois,
Tous les cris, tous les vœux de la pauvre âme humaine,
Ont chanté tour à tour et pleuré par ta voix.

Triste ou gai, formidable ou bon, tendre ou farouche,
Que de fois tu nous fis plier les deux genoux,
Et voir, comme en rêvant, suspendus à ta bouche,
Les mondes inconnus que tu créais pour nous !

*

Là-bas, quelle ombre langoureuse
S’approche de nous à pas lents ?
Ah ! voici venir l’amoureuse.
Tu mets ta main dans ses doigts blancs,
Tu mêles ton âme à son âme ;
Elle rit, et pleure, et se pâme,
Et se sent brûler à la flamme
Que font les soleils de tes yeux ;
Et l’aigle avec la tourterelle
Chante la chanson éternelle,
Et nous emporte d’un coup d’aile
Ivres d’amour au fond des cieux.

Puis, tout à coup, rugit le drame,
Qui, lion fauve, par les bois
Traîne la passion qui brame
Ainsi qu’une biche aux abois.