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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/238

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LES MORTS BIZARRES

de mot) est dur à digérer. Et bien d’autres détails de même. En tant qu’œuvre d’art, votre nouvelle est charmante, originale, bien machinée, ce que vous appelez empoignante ; et j’admets que vous avez eu parfaitement raison, vous écrivain, de travestir ainsi la réalité. Mais votre fameux crime en lui-même est impossible. Mon cher monsieur Desroses, je suis désolé de vous faire de la peine ; mais si je vous admire comme homme de lettres, je ne saurais vraiment vous prendre au sérieux comme criminel.

— C’est ce que tu vas voir ! hurla Oscar Lapissotte en bondissant sur le magistrat.

Il avait l’écume aux lèvres, le sang aux yeux, tout le corps soulevé par un accès de colère. Il aurait étranglé le juge, si l’on n’était venu aux cris.

On maîtrisa ce furieux, on le lia, et il fut immédiatement enfermé.

Cinq jours plus tard, on le conduisait à Charenton comme fou.

— Voilà pourtant où mène la littérature ! disait, le lendemain, je ne sais quel chroniqueur. Anatole Desroses a fait une fois, par hasard, une belle chose. Il en a été tellement troublé, qu’il a fini par croire à la réalité de son rêve. C’est la vieille fable de Pygmalion devenant amoureux de sa statue. Ce pauvre Murger me disait un jour… etc… etc…