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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/251

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LE CHASSEPOT DU PETIT JÉSUS

fusil. On se voyait à peine. Tout à coup l’enfant poussa un grand cri.

— Il est là ! il est là ! je le vois ! là, derrière ce gros chêne.

Il montrait un arbre isolé dans une clairière, et derrière lequel, en effet, semblait se mouvoir un cavalier. Il avait reconnu l’officier de uhlans. Il voulut s’élancer de ce côté. Le bond qu’il fit le démasqua, et il tomba avec une balle dans la poitrine. L’officier avait tiré un coup de revolver.

— Sale lâche ! cria le sapeur.

Et, de sa main assurée il épaula lentement.

Paf ! le cheval de l’officier avait la jambe de devant cassée, et s’abattait, prenant son maître sous lui.

— En avant ! vengeons le petit ! dit le sapeur.

Au pas de course, on franchit la clairière. Les Prussiens, voyant leur chef à terre, filaient devant nous. Le sapeur arriva le premier sur l’officier, et reçut une balle dans son képi, qui s’envola comme un oiseau.

— Tire toujours, mon bonhomme ! lui dit-il, en lui saisissant le poing dans sa main d’acier.

Les quatre derniers coups du revolver partirent en l’air, et le sapeur, retirant son prisonnier engagé sous le cheval, lui mit un genou sur la poitrine.

— Apportez le petit, cria-t-il.

Le petit râlait en ce moment.

— On ne peut pas, répondit-on, il va mourir.

Sacrebleu ! dit le vieux contrebandier, il ne faut pourtant pas qu’il s’en aille sans être content.