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76 MÉTAPSYGHIQUE SUBJECTIVE

dite spéciale, elle a lu, dans ma chambre, à deux kilomètres de là, le nom de Marguerite sur la lettre qui m'a été écrite.

Or la difficulté est la même au point de vue de la science actuelle. Il est tout aussi impossible de comprendre comment le nom de Marguerite peut être connu, soit parce que je l'ai lu ce matin, et que ce souvenir inconscient persiste dans mon cerveau, soit parce qu'il est écrit textuellement au bas d'une lettre qui m'a été envoyée.

Que j'aie lu cette lettre ou que je ne l'aie pas lue, le problème est également mystérieux. Ni plus ni moins. Quoique l'étoile polaire soit plus éloignée de la terre que Sirius, à quelques tril- lions de milliards de kilomètres au delà de Sirius, l'impossibilité d'y parvenir est la même. Lire dans ma pensée est aussi diffi- cile que de lire une lettre qui est sur mon bureau, décachetée ou non, à deux kilomètres ou deux mille kilomètres de distance.

Même il me paraît presque moins difficile d'admettre la lecture d'une signature à distance que la lecture d'un mot dans mon cer- veau ; car enfin, puisque nous sommes dans le domaine de l'inex- pliqué, on comprend un peu moins mal qu'une vue perçante puisse franchir les kilomètres, traverser des murs et des papiers épais, que de pénétrer le sens verbal que peuvent signifier par leurs moda- lités les vibrations des cellules cérébrales enfermées dans mon crâne. Hypothèse pour hypothèse, j'aime mieux supposer une vision rétinienne, prodigieuse, des choses écrites, que la lecture dans mon cerveau, où rien n'est écrit, et où s'agitent tant d'images, tant de souvenirs, tant de combinaisonspossibles qui se font et se défont avec une complexité inouïe, combinaisons qui sont des modifica- tions ultra-microscopiques du protoplasme cellulaire et n'ont aucune relation (que dans ma conscience) avec la sonorité verbale « Marguerite » ou le signe phonétique « Marguerite ».

On croit avoir tout expliqué quand on a dit : télépathie. Mais on n'a rien expliqué du tout. La vibration cérébrale, consciente ou non, reste un mystère profond, beaucoup plus mystérieux qu'une signa- ture. Une signature, c'est quelque chose de positif, de réel, de tan- gible. Elle serait visible, cette signature, si la rétine possédait une acuité suffisante. Au contraire la lecture de la pensée ne peut être expliquée par aucune acuité d'aucun de nos sens, si intense qu'on la suppose.

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