Page:Riemann - Œuvres mathématiques, trad Laugel, 1898.djvu/33

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extraordinaire. La tradition nous apprend que plus tard Riemann lui-même indiquait à ses élèves le point suivant qui s’y trouve comme étant le résultat le plus merveilleux de la critique moderne : l’existence de fonctions continues qui ne sont, en aucun point, susceptibles de différentiation. Certes, plus tard, on en a appris davantage sur ce genre de fonctions illogiques, suivant une expression longtemps usitée, par les travaux de Weierstrass, qui a contribué le plus à cette Théorie des fonctions réelles de variables réelles, comme l’on nomme ce domaine entier, développé principalement par lui sous la forme rigoureuse actuelle.

Pour moi, les développements de Riemann sur les séries trigonométriques doivent être regardés, quant aux principes fondamentaux, comme parfaitement d’accord avec les méthodes d’exposition de Weierstrass, qui, dans cette question, bannit complètement l’intuition géométrique et n’opère exclusivement que sur des définitions arithmétiques. Mais je ne puis m’imaginer que Riemann, dans son for intérieur, ait jamais pu regarder l’intuition géométrique, ainsi que le font certains représentants zélés des Mathématiques hypermodernes, comme quelque chose de contraire à l’esprit mathématique et devant conduire nécessairement à des conclusions erronées. Il a dû, au contraire, penser que, dans les difficultés qui se présentent ici, il est possible de trouver un terrain de conciliation.

Nous sommes précisément amenés ainsi à effleurer une question qui peut être d’importance capitale pour le développement de la Science pure actuelle.

Dès le début de leurs études, ceux qui cultivent notre Science apprennent chaque jour davantage à connaître les relations compliquées et délicates dont l’Analyse moderne a révélé la possibilité. Ceci est certainement une bonne chose, mais qui a pour conséquence possible et digne de réflexion que les jeunes mathématiciens n’aient trop de tendance à craindre de formuler des théorèmes déterminés et manquent de cette fraîcheur dans les idées sans laquelle, même en la Science, on ne peut contribuer au pro-