Page:Rignano, La question de l’héritage, 1905.djvu/68

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le droit de tester actuel qui les pousse à la dissipation au lieu de les exciter à l’épargne, même quand ils sont très prévoyants et très attachés à leur famille. Mais ces richards se conduiraient tout autrement si on leur disait : « Prenez garde ; des biens dont vous avez hérité vous-mêmes, vous ne pourrez laisser à vos enfants qu’une petite fraction, ou même rien du tout, tandis que de ce que vous aurez directement accumulé, vous pourrez léguer une part très considérable ». Cet argument les disposerait mieux que tout autre à retrancher pour le moins sur leurs folles dépenses et à transformer urne partie de leurs revenus en un bienfaisant capital productif[1].

Il faut donc reconnaître que si l’héritage actuel constitue un stimulant efficace au travail, à l’épargne et à l’accumulation continuelle de nouveaux capitaux, des prélèvements sur les successions progressifs dans le temps en constitueraient un bien plus efficace encore.

  1. Naturellement, la force du stimulant au travail et à l’épargne augmenterait encore si, au lieu de la progression indiquée par nous, on en adoptait une autre où les pourcentages de la première et de la deuxième transmission en propriété privée différeraient davantage entre eux. Mais il ne faudrait pas dépasser un maximum au-delà duquel on retomberait dans les inconvénients signalés plus haut au sujet de la formule de Huet.
    Il faut noter encore ceci, à l’appui de notre thèse, que, comme l’affirmait jadis James Mill, l’état social où « pullulent les fortunes modérées sans qu’aucune grande prévale, peut être considérée comme éminemment favorable à l’accumulation », par opposition à celui où « un petit nombre d’hommes très riches rend l’épargne fort peu désirable à ceux-ci et impossible aux autres ».