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Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/21

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tenant la moindre feuille qui consentît à bouger. Pour avoir quand même une petite joie après cette longue peine, Dieu avait ordonné à ses mains de lui montrer l’homme avant de le livrer à la vie. Plusieurs fois il demanda, comme les enfants lorsqu’ils jouent à cache-cache : « Prêt ? » Mais pour toute réponse il n’entendait que ses mains qui continuaient à pétrir, et il attendait toujours. Le temps lui paraissait très long. Tout à coup il vit tomber quelque chose à travers l’espace : c’était sombre et paraissait venir de son voisinage. Pris d’un mauvais pressentiment, il appela ses mains. Elles parurent, toutes couvertes de glaise, chaudes et tremblantes.

— Où est l’homme ? s’écria-t-il.

La droite alors se jeta sur la gauche :

— C’est toi qui l’as lâché.

— Je t’en prie, répliqua la gauche, irritée, n’as-tu pas voulu tout faire toi-même, sans me laisser dire un mot ?

— C’est justement. Tu aurais dû le retenir.

Et la droite allait prendre son élan. Mais elle réfléchit, et les deux mains dirent en se rattrapant l’une l’autre :