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Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/33

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même pas nommées dans une lettre de quatre pages ? Il me témoigne une confiance beaucoup, beaucoup plus grande ; il fait de moi son frère, il me parle de sa détresse.

Le soir, l’homme étranger vient chez moi. Je n’allume pas de lampe, je l’aide à défaire son manteau et je l’invite à prendre le thé avec moi, parce que c’est justement l’heure de mon thé quotidien. Et pour de si proches visites il ne faut s’imposer aucune contrainte. Lorsque nous sommes déjà sur le point de nous mettre à table, je remarque que mon hôte est inquiet ; son visage est plein d’anxiété et ses mains tremblent.

— C’est juste, lui dis-je, voici une lettre pour vous.

Et je m’apprête à verser le thé :

— Prenez-vous du sucre, et peut-être du citron ? J’ai appris en Russie à boire le thé avec du citron. Voulez-vous essayer ?

Puis j’allume une lampe, et je la place dans un angle éloigné, un peu haut, pour que la pénombre en réalité reste dans la chambre, plus chaude seulement qu’auparavant, — une pénombre rosée.