Aller au contenu

Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et voici que le visage de mon hôte semble être plus sûr, plus chaud et beaucoup plus connu. Je le salue encore par ces mots :

— Vous savez, voilà longtemps que je vous attendais.

Et, avant que l’étranger ait eu le temps de s’étonner, je lui explique :

— Je connais une histoire que je ne peux raconter qu’à vous. Ne me demandez pas pourquoi ; dites-moi seulement si vous êtes bien assis, si votre thé est assez sucré et si vous voulez entendre mon histoire.

Mon hôte dut sourire. Puis il répondit simplement :

— Oui.

— Aux trois questions, oui ?

— Aux trois questions.

Tous deux en même temps nous nous rencognâmes dans nos sièges, de sorte que nos visages devinrent pleins d’ombre. Je reposai mon verre de thé, me réjouis de le voir luire d’un éclat si doré, oubliai de nouveau lentement et demandai soudain :

— Vous rappelez-vous encore le bon Dieu ?

L’étranger réfléchit. Ses yeux s’enfoncèrent