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Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/57

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matin il aperçut un vieux paysan barbu qui bâtissait une église. Celui-ci en était déjà arrivé à la charpente, et il était occupé à poser sur elle les petits chevrons. Or c’était vraiment curieux d’observer que le vieux paysan descendait toujours de nouveau de l’église, pour chercher un à un les chevrons qui étaient entassés en bas, au lieu d’en prendre beaucoup à la fois dans son long caftan. Aussi devait-il toujours de nouveau descendre et monter à l’échelle, et l’on ne pouvait pas du tout prévoir, si, de cette manière, il réussirait jamais à fixer ces centaines de chevrons. Le tsar s’impatienta :

— Idiot, s’écria-t-il (c’est ainsi qu’en Russie on interpelle d’ordinaire les paysans), idiot, tu devrais prendre une sérieuse charge de bois, et puis escalader ton église, ce serait beaucoup plus simple.

Le paysan qui était justement descendu, s’arrêta, tint la main au-dessus des yeux, et répondit :

— Laisse-moi plutôt faire, tsar Ivan Vassiliévitch, chacun entend son métier mieux que les autres ; mais puisque te voici justement, je veux te donner les réponses aux trois énigmes