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Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/71

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— Je l’ai chassée, sais-tu, avec l’enfant.

Il se tut un instant, puis reprit :

— Voici qu’un jour Ossip arrive chez moi. « Ossip Nikiphorovitch », que je lui dis. Il répond : « Oui, c’est moi. Ton père est malade, Jegor. Il ne peut plus chanter. Tout est silencieux au village, comme s’il n’avait plus d’âme notre village. Rien ne frappe, rien ne bouge, plus personne ne pleure et on n’a même plus de raison sérieuse de rire. » Je réfléchis. Qu’est-ce qu’il faut faire ? J’appelle ma femme. « Ustjenka, que je lui dis, il faut que je rentre, plus personne ne chante là-bas, c’est mon tour. Le père est malade. » « Bien », dit Ustjenka. « Mais je ne peux pas t’emmener. Le père, tu le sais, ne veut pas de toi, et je ne reviendrai sans doute jamais quand je serai là et que je chanterai. » Ustjenka me comprend : « Eh bien ! que Dieu soit avec toi ! Il y a ici beaucoup de pèlerins qui donnent l’aumône. Dieu nous aidera, Jegor. » Et voilà que je m’en vais. Et maintenant, père, dis-moi toutes tes chansons.

Le bruit se répandit que Jegor était rentré