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Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/78

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de la chambre. Mais ses yeux revinrent à moi, très vite, et non sans une certaine gêne.

— Mais naturellement, ce n’est pas possible, se reprit-il avec hâte.

— Pourquoi donc ne serait-ce pas possible, Ewald ? Tout peut vous arriver ce qui est épargné aux hommes qui ont l’usage de leurs jambes, parce qu’ils passent ou prennent la fuite devant maintes choses. Dieu vous a destiné, Ewald, à être un point tranquille au milieu de toute cette hâte. Ne sentez-vous pas comme tout se meut autour de vous ? Les autres pourchassent les jours, et lorsque, enfin, ils en ont atteint un, ils sont si essoufflés qu’ils ne peuvent même plus lui parler. Mais vous, mon ami, vous êtes assis simplement à votre fenêtre, et vous attendez ; et il arrive toujours quelque chose à ceux qui attendent. Vous avez un sort tout particulier. Songez donc, même la madone ibérienne, à Moscou, doit sortir de sa petite chapelle et, dans une voiture noire, attelée de quatre chevaux, se rend chez ceux qui célèbrent une fête, que ce soit un baptême ou la mort. Mais chez vous tout doit venir…