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Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/82

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— Comment est-elle morte ? demanda mon ami, doucement, et d’une voix un peu rauque.

— Elle s’est noyée. Dans un étang calme et profond, à la surface duquel se formèrent beaucoup de cercles qui s’élargirent lentement, jusqu’au delà des nénuphars blancs, de sorte que toutes ces fleurs en baignant dans l’eau se dilatèrent.

— Est-ce aussi une histoire, cela ? demanda Ewald, pour que le silence qui succédait à mes paroles ne devînt pas trop puissant.

— Non, répondis-je, c’est un sentiment.

— Mais ne pourrait-on pas le transmettre aux enfants, ce sentiment ?

Je réfléchis :

— Peut-être.

— Et comment ?

— Par une autre histoire.

Et je commençai à raconter.

— C’était au temps où dans la Russie du Sud on combattait pour la liberté…

— Pardonnez-moi, dit Ewald, comment faut-il entendre cela ? Le peuple voulait-il par hasard s’affranchir du tsar ? Cela ne s’accorderait ni avec ce que je pense de la Russie ni