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Page:Rilke - La Chanson d'amour et de mort.pdf/11

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Dit le petit marquis : Vous êtes très jeune, monsieur ?

Et celui de Languenau, demi-chagrin, demi-mutin : Dix-huit. — Puis ils se taisent.

Plus tard le Français demande : Avez-vous aussi une fiancée là-bas, monsieur le junker ?

— Vous ? riposte celui de Languenau.

— Elle est blonde comme vous.

Et ils se taisent encore, jusqu’à ce que l’Allemand crie : Mais que diable faites-vous donc alors en selle et chevauchez par ce pays empoisonné à la rencontre de ces chiens de Turcs ?

Le marquis sourit : Pour revenir.

Et celui de Languenau s’attriste. Il pense à une fille blonde, avec laquelle il jouait. Des jeux sauvages. Et il voudrait rentrer, pour un instant seulement, le temps seulement qu’il faut pour dire ces mots : Magdalena, — d’avoir toujours été ainsi, pardonne !

— Comment — été ? pense le jeune seigneur.

— Et ils sont loin.