Page:Rimbaud - Œuvres, Mercure de France.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

12 mai…

Ne devinez-vous pas pourquoi je meurs d’amour ?
La fleur me dit : salut : l’oiseau me dit bonjour :
Salut ; c’est le printemps ! c’est l’ange de tendresse !
Ne devinez-vous pas pourquoi je bous d’ivresse ?
Ange de ma grand’mère, ange de mon berceau,
Ne devinez-vous pas que je deviens oiseau,
Que ma lyre frissonne et que je bats de l’aile
Comme hirondelle ?…

J’ai fait ces vers là hier, pendant la récréation ; je suis entré dans la chapelle, je me suis enfermé dans un confessionnal, et là, ma jeune poésie a pu palpiter et s’envoler, dans le rêve et le silence, vers les sphères de l’amour. Puis, comme on vient m’enlever mes moindres papiers dans mes poches, la nuit et le jour, j’ai cousu ces vers en bas de mon dernier vêtement, celui qui touche immédiatement à ma peau, et, pendant l’étude, je tire, sous mes habits, ma poésie sur mon cœur, et je la presse longuement en rêvant…

15 mai…

Les événements se sont bien pressés, depuis ma dernière confidence, et des événements bien solennels, des événements qui doivent influer sur ma vie future et intérieure d’une façon sans doute bien terrible !

Thimothina Labinette, je t’adore !

Thimothina Labinette, je t’adore ! je t’adore ! laisse-moi chanter sur mon luth, comme le divin Psalmiste sur son