Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/32

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à ses voisins des modeles d’esclavage : mais considérons-la dans son Isle, rendue à son propre génie, parlant sa propre Langue, florissante de ses loix, s’asseyant enfin à son véritable rang en Europe.

Par sa position & par la supériorité de sa marine, elle peut nuire à toutes les Nations & les braver sans cesse. Comme elle doit toute sa splendeur à l’Océan qui l’environne, il faut qu’elle l’habite, qu’elle le cultive, qu’elle se l’approprie : il faut que cet esprit d’inquiétude & d’impatience auquel elle doit sa liberté, se consume au-dedans s’il n’éclate au-dehors. Mais quand l’agitation est intérieure, elle est toujours fatale au Prince, qui, pour lui donner un autre cours, se hâte d’ouvrir ses ports, & les pavillons de l’Espagne, de la France ou de la Hollande, sont bientôt insultés. Son commerce, qui s’est ramifié à l’infini dans les quatre parties du monde, fait aussi qu’elle peut être blessée de mille manieres différentes, & les sujets de guerre ne lui manquent jamais. De sorte qu’à toute l’estime qu’on ne peut refuser à une Nation puissante & éclairée, les autres Peuples joignent toujours un peu de haine, mêlée de crainte et d’envie.

Mais la France, qui a dans son sein une sub-