Page:Rocheblave - Pages choisies des grands ecrivains - George Sand.djvu/22

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quand on la mit au couvent, ses maîtresses la trouvèrent si avancée en style qu’on négligea de cultiver chez elle ce don naturel. Aurore dut s’y remettre d’elle-même après, comme l’Histoire de ma vie nous le raconte avec simplicité :

« Au sortir du couvent, je rappris moi-même le français, et, douze ans plus tard, lorsque je voulus écrire pour le public, je m’aperçus que je ne savais encore rien ; j’en fis une nouvelle étude qui, trop tardive, ne me servit guère, ce qui est cause que j’apprends encore ma langue en la pratiquant et, que je crains de ne la savoir jamais [1]. »

Elle étudiait en même temps les ce arts d’agréments », la danse, les belles manières, choses qui lui firent toujours horreur. Tout ce qui était « façons » lui répugnait. Jamais nature ne fut plus ennemie de la contrainte ; une spontanéité incoercible s’annonçait déjà comme devant être le trait le plus fort de son caractère. Les arts l’attiraient en revanche : la musique la fascinait, elle goûtait le dessin : quant à l’histoire naturelle ce fut de tout temps pour elle l’initiatrice des beautés du monde, et le premier fondement raisonné de son admiration passionnée pour la nature. La littérature ne la charmait pas moins. A onze ans, en lisant Corneille, elle rêvait à Napoléon qui débarquait de l’île d’Elbe, et elle puisait dans un enthousiasme guerrier qu’exaltait le souvenir vivant de son père, je ne sais quelles aspirations de générosité et de gloire qui relevaient bien au-dessus des pensées de son

  1. Hist. de ma vie, II, 367.