Page:Rocheblave - Pages choisies des grands ecrivains - George Sand.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un officier la reconnaissait à sa seule ressemblance avec Maurice ! C’était trop d’émotions à la fois pour cet âge. Enfant par les années et femme par la souffrance, Aurore faisait tête à l’autorité tout en la respectant, et elle pliait comme on résiste. Pour briser cette volonté, on résolut de la mettre au couvent.

Elle y demeura trois ans entiers, dont deux sans franchir les grilles, de 1817 à 1820. Ce séjour fut marqué par une crise qui retentit profondément dans sa vie morale, même quand elle en fut sortie. Elle devint dévote. Elle avait débuté au couvent par la révolte. Tout à coup, à la suite d’une hallucination où elle entendit le tolle, lege, de Saint-Augustin, sa foi s’exalta. « Ce fut comme une passion qui s’alluma dans une âme ignorante de ses propres forces. » Sa tendresse, qui se consumait dans cette solitude inhumaine, venait de trouver désormais un aliment, ce Le seul amour violent dont j’eusse vécu, l’amour filial, m’avait comme lassée et brisée… J’avais quinze ans. Tous mes besoins étaient dans mon cœur, et mon cœur s’ennuyait, si l’on peut ainsi parler… Il me fallait aimer hors de moi, et je ne connaissais rien sur la terre que je pusse aimer de toutes mes forces[1]. » Cette fièvre de passion tomba peu à peu, au couvent même, grâce à la délicate direction d’un vieil abbé que tant d’exaltation effrayait. Mais la jeune fille sortit du couvent pieuse sous sa gaieté, et d’autant plus portée à la réflexion, aux idées sérieuses.

  1. Hist. de ma vie, III, 117.