Page:Rocheblave - Pages choisies des grands ecrivains - George Sand.djvu/37

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qui s’appelle le paysan, et cette vie où l’homme pourra toujours inaugurer la vie antique et la vie évangélique quand il le voudra, la vie du paysan. Dix ans et plus, elle s’est complue dans cette Arcadie, où se sont réfugiés à sa suite tant d’esprits et de cœurs blessés, tant d’ambitions déçues, tant de nobles passions comprimées par un pouvoir jaloux. Cet Eden berrichon, elle l’a même transporté sur le théâtre et, à côté des succès de causticité ou d’observation cruelle, elle a obtenu des succès d’attendrissement qu’on n’espérait plus de nos mœurs. Désormais en possession d’une philosophie indulgente, entourée de gloire sur le soir de sa vie, voyant s’élargir au foyer le cercle de sa jeune famille, elle est devenue la grand’mère incomparable qui contait de merveilleux contes à ses petites filles, et « la bonne dame de Nouant », la femme d’inépuisable charité que les paysans du village prirent un jour sur leurs épaules pour la déposer de leur mains pieusement attentives, dans cette bonne terre qu’elle avait si divinement chantée. C’était six ans après l’année terrible ; elle avait vu la chute, elle commençait à voir le relèvement : l’espérance vivait au fond de son cœur, la mort lui fut douce.

Ainsi grandit sans cesse ce beau talent dans sa variable continuité, ne cessant à nulle époque de porter des fruits pleins et savoureux, fruits de jeunesse et de virilité orageuse, fruits de maturité, fruits d’arrière-saison. Tous méritent d’être goûtés, ou presque tous ; mais dans la foule le public a déjà fait son choix. Et, quoique ce choix soit peut-être trop exclusif, on ne peut dire que l’instinct ait