Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/100

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l’époque où, après les victoires hasardeuses d’Hernani et de Ruy Blas, il se livra ardemment au théâtre. Mais on sait les sifflets d’incompréhension accueillant ses prodigieux Burgraves en 1845 ; et le serment du poète, tenu jusqu’au bout, de ne plus livrer aucune œuvre dramatique au public. C’est pourquoi le Théâtre en liberté n’a paru qu’en œuvre posthume, si audacieux, si plein de claires visions rénovatrices et qui contient des épisodes splendides comme la Grand’Mère ou l’Épée, avec, comme toujours, ces grands vers mis en mouvement par masses, des cataractes de poésie.

Mais entre les ouvrages posthumes, ce n’est pas celui-là qu’il faut, préférer, ni même Choses vues d’un impressionnisme net et coloré ; ni Toute la lyre où chantent depuis le fil de la Vierge de l’églogue jusqu’à la corde d’airain de l’épopée ; mais plutôt et surtout et au-dessus de tout : La fin de Satan. On l’ignore trop, ce vaste poème, qui est sans doute le chef-d’œuvre du poète. Toute la partie : Judée racontant la vie et la mort du Christ est éclatante et suave. Il y a des épisodes d’imagination dantesque : la rencontre de Barrabas et de Jésus en croix : des chants lyriques qui font pâlir les chœurs d’Athalie celui des filles de Betphagé saluant l’entrée du Christ à Jérusalem. Jamais Hugo ne trouva de tels échos de rimes, de telles volutes