Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/101

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de vers, de pareilles marées montantes d’alexandrins. De plus, il y fit preuve d’un tact, d’un goût, d’un sens des nuances qui sont bien l’harmonie secrète du génie. C’est-à-dire que sans cesse il côtoyait, de par le sujet même, le récit du nouveau testament. Or il se contenta d’imaginer dans le décor, d’inventer à côté et comme en marge, de faire œuvre personnelle dans la description, les accessoires, le paysage, l’archaïsme polychrome des détails. Par contre, il n’attribua à Jésus, aux disciples, à tous les personnages de l’histoire chrétienne que les paroles authentiques des Évangiles. Parfaite délicatesse, et non pas même au point de vue de la religion, mais au point de vue de l’art. C’est ce que n’ont pas compris tous ceux — et ils sont nombreux — qui, en ces dernières années, ont écrit, à sa suite, des œuvres évangéliques, drames ou poèmes. Comment eurent-ils l’audace ou la candeur de prêter à Jésus des paroles ? Quoi ! Un écrivain qui est un homme, un pécheur, un pauvre manieur de mots, un penseur dont la pensée ne va pas plus haut vers l’infini qu’un jet d’eau vers le ciel, ose décider : « Ici Jésus doit dire ceci ; la, répondre de cette façon. » Et alors, écrire une tirade, parler soi-même à la place de Jésus. Remplacer Dieu !

Hugo, lui, eut soin de maintenir les paroles de Jésus et des autres en leur rigueur textuelle