Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/105

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déchaînements lyriques, ces trop sibyllines proclamations. M. Jules Lemaître, par exemple, avec sa subtile nature de sensitive, ses indécisions frileuses et scrupuleuses de pensée ou de sentiment, a regimbé. M. Maurice Barrès aussi et d’autres ont été, croyons-nous, jusqu’à s’apitoyer sur ce qu’ils appelaient la pauvreté de pensée du poète et son manque vraiment trop excessif d’idées. Mais ils n’ont pas vu peut-être qu’il y a dans Hugo (et c’est sa grandeur en même temps que son infériorité) ce qu’il peut y avoir d’idées dans une foule.

À défaut de pensées originales, il a eu du moins des images sur tout, avec une abondance, un luxe prodigieux et inégalé. Par conséquent, comme l’invention des images est le propre de la poésie et l’essentiel devoir des poètes, on croirait qu’il a dû, au moins, garder la fidélité de ceux-ci. Eh bien ! non ! Il est loin le temps où Banville, trop déférent, s’écriait : « Nous sommes tous disciples d’Hugo ou nous ne sommes pas. »

Non point qu’on se soit désormais libéré et que l’originalité totale florisse dans la poésie actuelle. Au contraire, jamais l’enrégimentement n’a plus sévi. Il y a des écoles, des canons, des dogmes, des excommunications. Malheur à qui marche seul ! Mais on a changé de maître. C’est Baudelaire d’abord qui, pour les âmes actuelles,