Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/188

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Guitrel, un M. Bergeret. Ceux-ci, n’apparaissent pas seulement des caractères, creusés par une analyse sagace ; ils sont poussés jusqu’aux types. Ils sont sans état civil déterminé. Ils sont de partout en province ; et c’est si vrai que partout on croira trouver, en eux, des portraits, des allusions locales.

Mais, le meilleur délice des livres où ils vivent n’est pas encore l’ingéniosité, l’illusion de vie, l’observation profonde ; c’est aussi de reconnaître l’esprit même de M. Anatole France qui s’intercale. Il semble même parfois qu’il n’ait choisi ce simulacre que pour s’exprimer lui-même. Or, dans cette évolution dernière, quel changement ! Ce n’est plus qu’à peine et par intervalles l’ironiste de naguère, qui avait des hypocrisies de style, des coquetteries de volte-face. Encore moins le penseur sceptique que Renan un moment eut l’air de façonner. Maintenant M. Anatole France est un philosophe osé et franc, presque un révolutionnaire d’idées qui rompt avec les morales convenues, fait la satire des mœurs, juge la justice, dénonce l’argent au tyrannique pouvoir ; et, en regard de toutes les choses viles, fausses, sottes, il sous-entend la Beauté morale, qui seule vaut notre culte. Car tout est proféré à demi-mot, encore que hardiment, avec des rechutes d’ironie pour tempérer la sévérité en l’alternant d’un sourire,