Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/214

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pas tout de préparation soigneuse. Certes durant l’hiver, dans ce couvent du Havre dont il est le prieur, il élaborait minutieusement l’Avent ou le Carême qu’il irait prêcher Paris, et d’après le plan bien établi, écrivait ses conférences, les récrivait, les corrigeait, cherchait des images nouvelles, jouait des mots comme d’un clavier en nuances. Souvent les mots, chez lui, ont un étrange relief, un emploi habile qui leur donne un aspect nouveau et l’air neuf. « L’homme s’est séparé de Dieu. Dieu se reprend et se cantonne. » Il a de ces belles surprises, toutes modernes, de mots… Puis le travail de préparation achevé, il arrivait à Paris, avant le dimanche de la Quadragésime, dans le petit couvent des Dominicains, faubourg Saint-Honoré où s’installent les prédicateurs de l’Ordre. Et, au fur et à mesure, de semaine en semaine, il apprenait par cœur, le discours du dimanche suivant, un peu d’accord avec Massillon qui disait : « Mon meilleur sermon est celui que je sais le mieux. »

Cependant tout n’était pas conforme, dans ses sermons de Notre-Dame, au texte écrit et appris. Il eut parfois des cris, des illuminations soudaines, un de ces bondissements de phrase imprévus. Trouvailles frémissantes d’une parole sure, qui se mettait à improviser, se suscitait d’elle-même. Il avait bien vite fait, alors, de rejeter tous les éléments d’une préparation