Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/24

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antique des purs sentiments, des pensées nobles, aigri, tourné en vinaigre et en eau, avec un tatouage de moisissure dans les âmes.

Il s’en afflige et il s’en épouvante, sans nulle complaisance pour le vice. « Le vice est séduisant, dit-il dans son Art romantique ; il faut le peindre séduisant. » Mais il ajoute : « Il traîne avec lui des maladies et des douleurs morales singulières ; il faut les décrire. » C’est ce qu’il a fait ; partout on sent la détestation du mal, l’horreur des coupables ivresses. À la fin des Femmes damnées il leur clame avec la dureté d’un Père Bridaine laïque, avec la menace indignée d’un prophète biblique :

Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.

Dans ce conflit redoutable de l’homme avec les péchés modernes, on peut dire qu’auprès de Satan, qui est présent partout, la femme apparaît toujours aussi, dans les Fleurs du mal sans cesse l’alliée du Tentateur, comme dans le drame primordial de la Genèse.

Or c’est précisément par cette conception de la femme que Baudelaire se prouve plus clairement encore un poète catholique, et continue de suivre, pour la mise en scène de l’éternel drame humain, la version du catholicisme.