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M. CLAUDE MONET




Un des grands peintres actuels, pour ceux qui estiment que la peinture se suffit à elle-même, n’a pas pour objet d’exprimer des idées, des sensations littéraires, mais possède une volupté propre, dégage une poésie qui est sienne, avec le seul prestige des lignes heureuses, des couleurs subtiles et accordées. La Nature entière est « nature morte » pour un peintre d’une telle esthétique, qui, alors, est surtout un œil, une rétine merveilleusement sensible, un œil contre lequel, dans la tempe, est blotti un écheveau de nerfs, comme une télégraphie magique qui communique avec toutes les nuances de l’air. Même au physique, M. Claude Monet se caractérise par un œil extraordinairement mobile qui, dans son vaste visage de sérénité, luit, vrille, s’ébroue, est rincé de rayons, fourmille, miroite, semble taillé à facettes et avoir aussi les spasmes de lumière du diamant.


C’est peut-être la première fois, dans l’his-