Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/279

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de la mer du Nord et du ciel qui, l’été, est au-dessus, ce gris d’horizon où le bleu pâle du ciel et le vert pâle de la mer s’unissent et ne font plus qu’un. Nuance subtile et bien d’accord avec les sourdines et les pénombres auxquelles le peintre se complait. Il est le symphoniste des demi-teintes, le musicien de l’arc-en-ciel. Nul n’a mieux compris les rapports mystérieux de la peinture et de la musique : sept couleurs comme il y a sept notes, et la façon d’en jouer, avec ce qu’on pourrait appeler les dièzes et les bémols du prisme. Et comme telle symphonie est en , telle sonate en la ses tableaux aussi sont orchestrés selon un ton, par exemple la Dame à l’iris fleur mauve posée dans la main de la femme comme une note et signifiant que tout le portrait sera une polyphonie colorée des lilas et des violets.

Ce qui précise mieux encore cette curieuse esthétique, ce sont les titres de certaines petites toiles, figurant des crépuscules de Venise ou de Londres, qu’il intitula lui-même des Nocturnes, parallèlement à ceux de Chopin, mais d’un Chopin serein et qui rêve au lieu du Chopin malade et qui pleure ; titres significatifs : « Nocturne en bleu et argent ; nocturne en bleu et or ». C’est toujours le ton des horizons maritimes d’Angleterre, ici devenu plus bleu, comme il deviendra plus gris dans des tableaux d’inté-