Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/297

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douleur humaine. Il fut encore historien en son monument de Victor Hugo qui est une biographie supérieure du poète. Est-ce que le visage qu’il nous donne n’est pas plus explicatif que les plus longs tomes de critique ? C’est le visage d’un élément, le visage de quelqu’un qui a l’air plus grand que l’humanité, offre un aspect minéral ou végétal, semble plutôt appartenir à l’éternité de la nature. Visage sourcilleux que celui du poète avec son front de pierre, ses sourcils de gramen, sa barbe d’herbe sauvage. Et la magnifique ligne hardie de la jambe, qui s’allonge et se prolonge comme la racine d’un arbre ! Il est figuré devant la mer, ce propice Océan au bord duquel il vécut dans l’exil et qui agrandit le génie du poète jusqu’à la proportion de lui-même. Autour les Muses diverses. Mais non pas à l’état de Muses allégoriques ; des femmes plutôt ; non des apparitions, mais des présences toujours fidèles, toujours chuchotantes… L’une, surtout, est d’une beauté, d’une nouveauté uniques : celle qui détient le secret des « Voix intérieures », discrète, pudique, vêtue des mousselines du brouillard, recroquevillée, comme ayant l’air de couver des vers qui n’ont pas encore d’ailes… Les autres sont la Muse tragique, la Muse lyrique. On dirait une scène de légende. Mais ce qui y domine, c’est quand même l’humanité de Victor Hugo, ressemblant et textuel, tel que l’artiste nous