Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/298

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l’avait déjà fixé, auparavant, dans deux étonnantes pointes sèches.

Car M. Rodin, fut portraitiste aussi, si on peut dire. Il a fait d’expressifs bustes : de Puvis de Chavannes, de M. Octave Mirbeau, de quelques femmes, dont l’une, au Musée du Luxembourg, s’offre dans le marbre blanc avec une grâce si royale et si calme.

Mais où il fut surtout historien, c’est dans sa statue de Balzac. On n’oubliera pas de longtemps les clameurs que cette œuvre hardie suscita. On peut dire cependant qu’elle ne faisait que continuer toute l’œuvre antérieure du sculpteur, ce progressif acheminement à plus de synthèses et qu’elle n’en est, en somme, que l’aboutissement et la tumultueuse conclusion. Ici surtout il s’est montré un historien à la Michelet, c’est-à-dire un historien visionnaire, se préoccupant moins de vérité littérale et de ressemblance que d’évocation et de suggestion. C’était le seul moyen pour susciter devant les foules à venir le déconcertant génie qu’est Balzac. Lui aussi, autant que Victor Hugo, il fallait le représenter avec un visage comme un élément, « Oui, s’est dit le sculpteur, tel est le visage qu’il convient de faire ! Le corps, négligeons-le ; c’est la masse quelconque, la part commune avec l’humanité. Il suffit de le sous-entendre, de l’indiquer. Tous les statuaires pourraient le faire, et