Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/63

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français de Beckford, que le poète réimprima, avec le portail d’une préface neuve. Lui-même naquit à Paris en 1842, dans une rue qui s’appelle aujourd’hui passage Laferrière ; et il est naturel, dès lors, qu’il apparaisse ainsi, par aboutissement, si tout à fait « vieille France ». Il a gardé la bonne grâce, une politesse infinie d’ancien Régime, une légèreté à manier la conversation, et quelle conversation plus lumineuse et florissante que la sienne : cristal et roses ! Toute la jeune génération littéraire l’a écouté comme un précurseur, comme un mage. Une voix savoureuse. Des gestes d’officiant. Et une parole inépuisablement subtile, anoblissant tout sujet d’ornementations rares : littérature, musique (il adore Wagner), art, et la vie, et jusqu’aux faits-divers, découvrant entre les choses de secrètes analogies, des portes de communication, des couloirs cachés. Ainsi l’Univers se recrée dans le poète. L’Univers est simplifié puisqu’il le résume à du rêve, comme la mer se résume, dans un coquillage, à une rumeur. Quelle ingéniosité sans fin, quelles trouvailles incessantes !


C’est surtout de la poésie que Mallarmé a discouru, avec exquisité et autorité, orientant les esprits, dogmatisant, approuvant avec des réserves ce que le jeune groupe des Décadents