Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/96

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éloquence, réunies en lui, voilà la haute originalité de Villiers.

Son ironie, il l’avait trouvée chez Edgar Poë. Comme lui, il bafoua la science moderne, le progrès, l’américanisme utilitaire, en tant qu’artiste et parce qu’il sentait bien que l’idéal allait mourir dans l’air d’un temps infesté de la sorte. Où trouva-t-il son éloquence ? Dans le catholicisme. Villiers fut un croyant sincère, un croyant de cette foi héréditaire de Bretagne. À tel point que, même mourant, il s’obstinait sur des épreuves de son Axel inachevé, disant : « je corrige le dernier acte ; il faut absolument que Dieu m’en laisse le temps ; car il y a là un suicide ; ce dénouement n’est pas chrétien ; il faut que je le change. » Et il rusait avec l’agonie, parlementait avec la mort, afin de trouver une conclusion de drame orthodoxe.

Catholique sincère, il le fut. Et précisément le catholique, le fils de l’Église, devait penser sur la science et le siècle comme le disciple de Poë. L’Église aussi dénonce et défie la science d’aujourd’hui qui s’est donnée comme l’antagoniste de la Foi et proclame que celle-ci a cessé son règne. Ainsi Villiers, par deux influences, aboutissait au même but, au même jugement sur la vie, à la même attitude devant le temps et l’éternité. À Poë, il prit son ironie ; au catholicisme, son éloquence. Tous deux, le tournèrent