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LES JOURS MAUVAIS.


Pauvres cœurs méconnus, dédaignés par les vierges !
Où seule maintenant la bande des désirs
S’installe pour un soir comme dans des auberges
Et salit le murs blancs à ses mornes plaisirs.

Oh ! ceux-là je les plains, ces veuves d’épouses mortes
Qu’ils aimèrent en rêve et dont ils n’ont rien eu,
Mais qu’ils croient tous les jours voir surgir à leurs portes
Et dont partout les suit le visage inconnu.

Oh ! ceux-là je les plains, ces amants sans amante
Qui cherchent dans le vent des baisers parfumés,
Qui cherchent de l’oubli dans la nuit endormante
Et meurent du regret de ne pas être aimés !

« Mes bras veulent s’ouvrir… » ― Non ! Étreins les nuées !
— « Je suis seul ! c’est l’hiver ! et je voudrais dormir
Sur les coussins de chair des gorges remuées ! »
— Ton âme n’aura pas ce divin souvenir.

Le Solitaire part à travers la bourrasque ;
Il regarde la lune et lui demande accueil,
Mais la lune lui rit avec ses yeux de masque
Et les astres luisants sont des clous de cercueil.